14 février 2025

Handicap au travail : 20 ans après la loi de 2005, les choses ont-elles vraiment changé ?

Adoptée le 11 février 2005, la loi pour l’égalité des droits des personnes handicapées devait constituer un tournant majeur, afin de construire une société plus inclusive du handicap. Vingt ans plus tard, quel bilan faire de l’application des mesures prévues par ce texte, globalisant et ambitieux ?

 

 


S’agissant de la protection sociale et du travail – 2 champs d’action prioritaires des syndicats – la CFTC relève certains progrès significatifs. Mais aussi de trop nombreuses dérogations à la loi qu’il s’agirait d’interroger, 20 ans après l’adoption de la loi.

Adoptée le 11 février 2005, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées fête ses 20 ans cette année. Avancée législative historique et ambitieuse, elle avait pour objectif de permettre une pleine inclusion des personnes handicapées, afin qu’elles puissent – comme tout citoyen – travailler, vivre dignement dans la cité, se déplacer, aller à l’école etc…

Deux décennies plus tard, se pose donc la nécessité de faire le bilan des mesures prévues par ce texte. Si cette loi de 2005 investissait une multitude de thèmes (logement, transport, intégration scolaire, etc…) la CFTC propose, comme syndicat, d’en faire une relecture plus anglée et centrée sur ses missions et domaines d’intervention primaires.

La PCH, un progrès à souligner

A commencer par celui de la protection sociale, puisque notre organisation siège notamment au sein du conseil d’administration de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), la principale source de financement de l’aide à l’autonomie des personnes handicapées. A ce titre, l’un des grands apports de la loi de 2005 est d’avoir énoncé un principe fondamental : celui du droit à compensation du handicap. Il vise à permettre à toute personne handicapée de composer au quotidien avec son handicap, pour vivre en milieu ordinaire ou adapté. Pour concrètement le mettre en œuvre, la prestation de compensation du handicap (PCH) avait ainsi été créée.

Cette PCH vise ainsi à prendre en charge financièrement des aides de toutes natures, afin de compenser les conséquences du handicap dans la vie quotidienne : rémunération d’une aide à domicile, achat ou location de matériel pour compenser la situation de handicap (fauteuil roulant, appareillages auditif), aménagement du logement ou d’un véhicule, etc…Si la mise en œuvre de la PCH reste perfectible, la CFTC considère que ce dispositif a globalement aidé à une meilleure intégration des personnes handicapées. D’autres progrès sont par ailleurs à signaler, comme la déconjugalisation de l’AAH, demandée depuis de longue date par la CFTC et les associations, ou encore le remboursement intégral des fauteuils roulants par l’assurance maladie, qui devrait enfin être adopté en 2025.

Travail : des avancées, mais un bilan trop mitigé

S’agissant du champ d’action principal des syndicats – à savoir la défense des intérêts des salariés et de leurs conditions de travail – la loi de 2005 avait amorcé ce qu’on peut considérer comme un changement de paradigme : le texte avait notamment donné la priorité au travail en milieu ordinaire des personnes handicapées, tout particulièrement en affirmant le principe de la non-discrimination à l’embauche. Celui-ci engage les employeurs à ce que toute personne en situation de handicap soit à égalité des autres, à tous les moments de son parcours professionnel (par exemple, en lui proposant un éventuel aménagement de son poste de travail, dans l’optique de son recrutement).

Parallèlement, la loi de 2005 avait aussi confirmé les dispositions préexistantes sur l’obligation légale d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) : elles stipulent que les entreprises d’au moins 20 salariés doivent employer des personnes en situation de handicap à hauteur de 6 % de leur effectif. Le texte avait aussi durci les sanctions financières, en cas de non-respect de cette obligation : il augmentait ainsi le montant de la contribution que les entreprises contrevenantes doivent verser à l’AGEFIPH, l’organisme qui favorise l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées, dans les entreprises du secteur privé.

Un taux d’emploi loin des objectifs fixés

Vingt ans plus tard, la CFTC estime que la loi de 2005 a effectivement permis des avancées notables, en matière d’emploi des personnes en situation de handicap. Néanmoins, la pleine effectivité des mesures introduites ou renforcées par le texte peut aussi être interrogée : l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) n’est, à titre d’exemple, que trop peu respectée par les entreprises. Celles qui sont soumises au respect de l’OETH n’affichent en effet qu’un taux d’emploi de 3,5% de personnes handicapées – loin des 6% demandés- et préfèrent ainsi s’acquitter d’une « amende » à l’AGEFIPH plutôt que de respecter les minimas d’emplois fixés par la loi. Pour la CFTC, ce contournement de l’OETH peut légitimement interroger, alors que l’emploi est aujourd’hui le premier domaine dans lequel s’exercent les discriminations sur les personnes handicapées. En connaissance de cause, ne faudrait-il pas d’abord faire respecter et appliquer la loi dans toute son effectivité, plutôt que de permettre à certaines entreprises de se départir de leurs obligations ?

Ne plus tolérer qu’on déroge à la loi

Ces possibilités de déroger à la loi de 2005 existent par ailleurs dans d’autres domaines investis par le texte, impactant et modérant ainsi ses effets : enjeu prioritaire, l’accessibilité des transports et enceintes publiques est ainsi très en deçà des objectifs annoncés, plus de la moitié des établissements relevant du public n’étant, en 2023, pas en conformité avec les besoins d’accès propres aux diverses familles de handicap. Pour pallier ces manques, le Conseil national consultatif des personnes handicapées se demande ainsi si une nouvelle loi sur le handicap ne serait pas la solution la plus indiquée.

Pour la CFTC, la priorité est cependant ailleurs, la loi de 2005 étant théoriquement outillée pour construire une société plus inclusive et adaptée aux besoins des personnes handicapées. Dans la pratique, notre organisation estime cependant qu’il faut mettre fin aux possibilités de déroger aux obligations prévues par ce texte de loi, afin que ceux qui s’en sont si longtemps dédouanés appliquent pleinement les engagements rattachés à cette législation.


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