Faut-il favoriser le recours au plan d’épargne-retraite ?
Dans le sillage d’une population vieillissante et de la loi Pacte de 2019 – qui avait harmonisé et simplifié leur fonctionnement – les plans d’épargne-retraite (PER) connaissent un succès croissant, année après année. Fin mars 2023, ce produit d’épargne, qui vise à se constituer un complément de revenus à la retraite, concernait 7,4 millions de français, un chiffre alors en hausse de 1,8 million sur un an (+ 32 % environ). Mi-mars 2024, la commission des Finances de l’assemblée nationale a ainsi sondé les partenaires sociaux sur la nécessité de faciliter le recours au PER (notamment via une fiscalité plus attractive) ainsi que sur son articulation avec la retraite obligatoire de base et la retraite complémentaire.
Maintenir le caractère facultatif du PER
A ce titre, la CFTC a d’abord souhaité rappeler que le PER, à l’image de l’intéressement et de la participation, pouvait être un dispositif intéressant pour les salariés, mais seulement à condition qu’il demeure accessoire. D’abord, parce qu’il s’inscrit dans une temporalité très longue : les sommes placées sur un PER ne sont – sauf cas particuliers – accessibles qu’une fois que les travailleurs ont effectivement pris leur retraite. Pour rappel, les versements sur un PER sont déductibles de l’impôt sur le revenu, même si cet abattement est plafonné. De plus, l’abondement des PER (le versement effectué par l’employeur, pour compléter ceux de leurs salariés sur leur dispositif d’épargne) est exonéré de cotisations sociales. A cet égard, encourager le recours au PER – par exemple en lui greffant de nouvelles dispositions légales visant à faciliter son usage – pourrait participer à fragiliser le pouvoir d’achat des travailleurs : les employeurs pourraient en effet choisir d’abonder plus généreusement le PER de leurs salariés – un procédé exempt de cotisations – plutôt que d’augmenter leurs salaires. De quoi, aussi, potentiellement fragiliser notre modèle social, du fait de ces exonérations de cotisations dont bénéficient les sommes placées sur ces produits d’épargne. Les plans d’épargne-retraite, comme d’autres mécanismes de partage de la valeur en entreprise, ne doivent en somme pas se substituer aux revalorisations salariales : seules ces dernières permettent à la fois de soutenir le pouvoir d’achat, de partager immédiatement la valeur et de générer des droits contributifs, en plus de permettre une participation à l’effort fiscal.
Préserver la centralité de la retraite par répartition
Par ailleurs, la CFTC estime que les droits à la retraite primaire et complémentaire acquis par les cotisants durant leur carrière doivent suffire à leur assurer une pension digne et cohérente. La mobilisation des sommes sur le plan d’épargne-retraite doivent, elles, faire office de complément facultatif à ces régimes de base et non pas de béquille salvatrice, pour assurer aux cotisants une retraite décente. En outre, si les dispositifs d’épargne-retraite peuvent constituer des produits intéressants pour ceux qui ont les moyens d’y souscrire, il est important de rappeler qu’une large majorité de salariés n’en bénéficie pas. Ainsi, si 9,8 millions de personnes sont titulaires d’un PER, il faut noter que le tissu productif compte 27 millions de salariés et donc qu’une majorité de travailleurs ne profitent pas de ce dispositif. Quelle qu’en soit la raison, on peut légitimement estimer que nombre d’entre eux n’ont tout simplement pas les moyens de thésauriser pour leurs vieux jours. Si chacun est heureusement libre de faire les choix qui lui convient en fonction de ses capacités de gains, il ne serait pas juste que les mécanismes collectifs, fonctionnant dans une logique de solidarité intergénérationnelle, se voient fragilisés par une automatisation des systèmes par capitalisation.
Pour l’organisation syndicale que nous sommes, la popularité croissante des PER n’est pas sans risques, alors que le succès graduel du dispositif a parallèlement suivi les différentes réformes des retraites, qui ont durci les règles de calcul des pensions. A ce titre, notre organisation réinterroge le bien-fondé de la dernière réforme du système de retraites, qui avait essentiellement visé à rehausser l’âge légal de départ de 62 à 64 ans : conjuguée à une politique d’évolution des salaires qui peine à décoller, elle pourrait favoriser une déviation naturelle vers les dispositifs d’épargne-retraite. Pour la CFTC, l’épargne-retraite ne doit en aucun cas être un complément visant à compenser une éventuelle diminution tendancielle des pensions, qui serait la conséquence d’une insuffisance structurelle des prestations issues des régimes obligatoires fonctionnant par répartition. L’étanchéité entre les régimes de retraite obligatoire et les mécanismes d’épargne-retraite doit ainsi être préservée, tout comme leur caractère facultatif. En somme, la CFTC considère que faciliter le recours à l’épargne-retraite, notamment via une fiscalité plus avantageuse, n’est actuellement pas indiqué. L’entrée en résonance de l’épargne-retraite avec les régimes fonctionnant par répartition constitue notamment, aux yeux de notre organisation, un risque important. Pour la CFTC, l’urgence demeure ainsi la faculté des salariés à vivre dignement de leur salaire, celle-ci devant permettre de générer un volume de cotisations suffisant au maintien d’un système de retraite par répartition, qui assure une solidarité entre les générations.
Retrouvez l’article sur le site CFTC.fr