2 avril 2020

Congés payés : des souplesses autorisées à l’employeur moyennant négociation

Le Gouvernement a pris des mesures pour adapter le droit du travail à la crise sanitaire. Par ordonnance du 25 mars 2020 prise en application de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid 19 du 23/03/2020 (JO du 24/03/2020), le gouvernement prévoit des dispositions spécifiques en matière de congés payés, applicables depuis le 26 mars 2020. Les règles actuelles s’en trouvent donc temporairement bouleversées.

Ce que votre employeur peut imposer unilatéralement (sans accord préalable d’entreprise ou de branche)

  • Le refus du report de congés payés

Même en l’absence d’accord, avant cette ordonnance, l’employeur pouvait déjà modifier les dates de départ sans respecter le délai habituel de prévenance d’un mois en cas de circonstances exceptionnelles (art. L 3141-16, 2° C.trav.).

> Lire le communiqué de la CFTC : Congés payés, durée du travail, et jour de repos : la CFTC veut négocier !

Ce qui doit être négocié au niveau de l’entreprise, ou à défaut, au niveau de la branche

  • Les dates de prise de congés payés

L’article 1er de cette ordonnance permet à un accord d’entreprise ou, à défaut, de branche d’autoriser l’employeur à imposer ou à modifier unilatéralement les dates de prise des congés payés.

  • Le nombre de jours de CP concernés et le délai de prévenance

L’employeur ne peut disposer librement que de 6 jours ouvrables maximum (une semaine). Mais l’accord peut être plus favorable et fixer un nombre de jours inférieur. L’employeur devra le faire moyennant le respect d’un délai de prévenance d’un jour franc minimum qui peut être négocié à la hausse dans l’accord.

  • La période d’ouverture de ces congés

Cette disposition s’applique y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle les congés ont normalement vocation à être pris.

Selon le contenu de l’accord, l’employeur pourra donc imposer des congés pris :

  • sur le solde des congés payés 2019/2020,
  • mais aussi sur les congés payés acquis pour 2020/2021, qui ne peuvent en principe être pris qu’au cours de la prochaine période de congés (à compter du 1er mai 2020 ou du 1er juin selon la convention collective).

La période de congés imposée ou modifiée peut s’étendre jusqu’au 31 décembre 2020.

Cela permet d’anticiper une prolongation de la période de confinement mais aussi une adaptation de la prise des congés payés lors de la reprise de l’activité durant l’été, notamment.

  • Le fractionnement des congés payés

Toujours moyennant accord collectif, l’employeur peut également imposer le fractionnement des congés payés sans être tenu de recueillir l’accord du salarié.

  • La suspension temporaire du droit à un congé simultané des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité dans une même entreprise

Ce qui permettra au cas où la présence d’un des deux conjoints seulement est indispensable à l’entreprise, ou si l’un des deux conjoints a épuisé ses droits à congés, de dissocier les dates de départ en congés.

Questions / Réponses

Mon employeur peut-il m’imposer des congés durant la période de confinement ?

A condition qu’un accord collectif signé dans votre entreprise ou dans votre branche l’y autorise, l’employeur peut vous imposer de poser des congés payés selon les modalités prévues dans l’accord (6 jours au maximum prévus par la loi).

Un accord a été signé dans mon entreprise autorisant l’employeur à nous imposer de poser trois jours de congés payés. Mon employeur m’a annoncé aujourd’hui jeudi que je serai en congé pour trois jours à compter de lundi. Est-ce normal ?

Tout dépend des termes de l’accord s’appliquant votre entreprise. L’ordonnance du 25 mars 2020 prévoit que l’employeur peut procéder de la sorte moyennant respect d’un délai de prévenance ne pouvant être inférieur à un jour franc mais votre accord a pu prévoir un délai supérieur. Il s’agit d’un délai de 24 heures qui commence à courir à 0 heure le lendemain du jour où vous avez été informée, donc il commencera à courir vendredi à 0 h et prendra fin 24 heures plus tard (donc vendredi à minuit). Ainsi le délai de 24 heures aura été respecté (vendredi) et vous pourrez être mise en congé à partir de samedi. Votre employeur est en règle dans le cas présent.

J’ai soldé mes congés pour la période en cours or mon employeur veut m’imposer des congés que je devais prendre à partir du 1er juin et donc pour partir cet été. En a-t-il le droit ?

A condition qu’un accord collectif signé dans votre entreprise ou dans votre branche l’y autorise, l’employeur peut vous imposer de poser des jours de congés payés acquis selon les modalités prévues dans l’accord. Cet accord peut prévoir que cette possibilité offerte à l’employeur s’applique y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle les congés ont normalement vocation à être pris. En ce cas, en effet, vous pouvez être contraint de poser dès à présent des jours que vous auriez posés normalement après le 1er juin (nombre de jours fixé dans l’accord et au maximum 6 jours).

J’ai posé des congés or ils tombent pendant la période de confinement, puis-je les supprimer pour pouvoir les reporter après ?

Cette demande peut être formulée auprès de votre employeur. Toutefois, même si les CP sont une obligation et un droit annuel au repos, à la détente et aux loisirs pour le salarié (jurisprudence constante de la CJUE et de la Cour de cassation), l’employeur est en droit de refuser ce report.

J’avais posé une semaine pour les vacances de Pâques qui avait été acceptée. Mon employeur m’annonce qu’il va reporter ces congés car il a besoin de ma présence à cette période. En a-t-il le droit ?

Moyennant l’existence d’un accord (établissement, entreprise ou branche) l’employeur peut être autorisé à modifier unilatéralement les dates de congé dans la limite de 6 jours, en respectant un délai de prévenance d’un jour franc.Donc oui, il peut reporter cette semaine accordée. Et même en l’absence d’accord, avant cette ordonnance, il pouvait déjà modifier les dates de départ sans respecter le délai habituel de prévenance d’un mois en cas de circonstances exceptionnelles (art. L 3141-16, 2° C.trav.).

Mon conjoint et moi travaillons dans la même entreprise. Notre employeur peut-il nous imposer de ne pas prendre nos congés simultanément ?

Oui. Toujours moyennant accord collectif, l’employeur peut suspendre temporairement votre droit à un congé simultané des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité et travaillant dans une même entreprise.


Article sur le site de la CFTC


Consulter l’Accord de Groupe Bouygues