25 octobre 2024

Variations climatiques (neige, froid, pluie…) : que dit le droit du travail ?

L’employeur est tenu de protéger la santé de ses salariés face aux variations climatiques. Que dit la loi ? Quels sont les droits des salariés ? La CFTC fait le point

La chaleur et la canicule, tout comme le froid et les intempéries, peuvent très significativement dégrader les conditions de travail du salarié. Selon les secteurs, certaines activités peuvent même devenir impossibles à exercer.

Quelles sont les obligations de l’employeur face aux conditions climatiques ? Quels droits peuvent faire valoir les salariés ? La CFTC fait le point sur les dispositions prévues par le Code du travail.

Travail et intempéries : que dit la loi ?

Retards et absences liés aux conditions météo

Difficile de se rendre au travail lorsqu’il neige et que les routes deviennent impraticables… De nombreux salariés se posent alors la même question : peut-on ne pas aller travailler à cause de la neige ? Oui, s’il s’agit d’un cas de force majeure (événement exceptionnel et imprévisible justifiant de s’exonérer d’une obligation). Le salarié qui arrive en retard ou ne vient pas travailler suite à de fortes intempéries (chutes de neige, inondations, etc.) ne peut pas être sanctionné par l’employeur.

Comment reconnaître un cas de force majeure ?

Pour pouvoir invoquer la force majeure, le salarié doit bien sûr faire preuve de bonne foi : quelques flocons de neige tombés dans la nuit ne l’autorisent pas à rester chez lui ! Le réseau routier doit être réellement impraticable, le service des transports en commun interrompu, etc. D’autres paramètres permettront d’évaluer les situations au cas par cas (lieu de résidence, distance domicile-travail, mode de garde pour le jeune parent salarié qui pourrait se retrouver dans l’incapacité de faire garder son enfant, etc.). Quelle que soit la situation, il convient de prévenir l’employeur le plus tôt possible.

Retenue sur salaire et aménagement des conditions de travail

Même en cas de force majeure, l’employeur est libre d’effectuer une retenue sur salaire (strictement proportionnelle à la durée de l’absence du salarié). D’autres solutions peuvent lui être proposées, comme le rattrapage des heures non travaillées ou la pose de congés payés (ou RTT). Également à envisager, selon la nature de l’activité : le travail à distance. Le recours au télétravail les jours d’intempéries peut être prévu par un accord ou une charte d’entreprise. À défaut, il pourra être mis en place d’un commun accord entre le salarié et l’employeur.

À noter

Certaines conventions collectives et certains accords collectifs prévoient un maintien du salaire en cas de force majeure. Renseignez-vous sur les dispositions applicables dans votre entreprise : elles peuvent être plus favorables que celles prévues par le Code du travail.

Travail en extérieur et intempéries

Au-delà du trajet domicile-travail, les intempéries peuvent perturber l’exercice même de l’activité. C’est le cas pour le salarié qui travaille en extérieur. Face à des conditions climatiques difficiles, l’employeur est tenu de consulter les membres du comité social et économique (CSE), ainsi que le médecin du travail. Sur leur avis, il doit prendre toutes les mesures possibles pour protéger la santé et la sécurité du salarié. Si l’activité doit être interrompue, le salarié continue de percevoir son salaire. Dans le cas particulier du secteur du bâtiment et des travaux publics, les salariés bénéficient de « congés intempéries ».

Froid et chaleur au travail : réglementation et droits des salariés

Les obligations de l’employeur

De manière générale, l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés (article L4121-1 du Code du travail). Il lui appartient donc de limiter l’impact des conditions climatiques sur la santé et la sécurité au travail. Le Code du travail apporte à ce sujet diverses précisions, notamment :

  • Les locaux fermés doivent être suffisamment chauffés pendant la saison froide afin de maintenir une “température convenable” dans les espaces intérieurs affectés au travail (article R4223-13).
  • La température des locaux affectés à l’hébergement des salariés sur site ne doit pas être inférieure à 18 °C (article R4228-28).
  • Les postes extérieurs doivent être aménagés de telle sorte que les travailleurs soient, dans la mesure du possible, protégés contre les conditions atmosphériques (article R4225-1).
  • L’employeur est tenu de renouveler l’air des locaux de travail en évitant les élévations exagérées de température (article R4222-1).
  • Les salariés doivent avoir accès à de l’eau potable et fraîche pour la boisson (article R4225-2).
  • Dans le secteur du bâtiment, l’employeur doit fournir au moins 3 litres d’eau par jour et par travailleur (article R. 4534-143).

À partir de quand fait-il trop chaud ou trop froid pour travailler ?

Le Code du travail ne définit pas de température minimale ni de température maximale. La canicule comme le froid ne sont pas des cas de force majeure dispensant le salarié de venir travailler. L’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) rappelle toutefois que le travail par fortes chaleurs, et notamment au-dessus de 33 °C, présente des dangers pour la santé. Côté froid, elle préconise de prendre des précautions particulières dès que la température ambiante est inférieure à 5 °C (travail en extérieur).

Le droit de retrait du salarié

Face à des conditions de froid ou de chaleur extrêmes, le salarié peut néanmoins faire valoir son droit de retrait. Prévu par l’article L4131-1 du Code du travail, ce droit l’autorise à cesser son activité s’il a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

Le travailleur doit simplement prévenir l’employeur avant de quitter son poste, par le moyen de son choix. Si l’exercice du droit de retrait est justifié (il conviendra, ici aussi, de prouver la bonne foi du salarié), aucune sanction ni aucune retenue sur salaire ne pourra être appliquée. L’employeur ne pourra pas non plus imposer au salarié de reprendre son activité tant que le danger ne sera pas écarté.

À noter que le salarié dispose également d’un droit d’alerte. Il peut alerter les membres du CSE ou l’employeur directement en cas de situation “dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé” (article L4131-1).

Si l’employeur manque à ses obligations, l’Inspection du travail peut être saisie.

Changement climatique et travail : quelles solutions ?

Une prévention renforcée

L’employeur doit prendre en compte la variation des conditions climatiques dans son évaluation des risques au travail, et mettre en place des mesures de prévention adaptées. Pour le travail en extérieur par exemple, il peut anticiper la baisse des températures en prévoyant l’allongement des temps de pause, la mise à disposition d’un local chauffé, le port de vêtements et d’équipements de protection, la distribution de boissons chaudes… En période de fortes chaleurs, un effort particulier doit porter sur la sensibilisation et l’information des salariés : rappel des risques et symptômes (maux de tête, baisse de la vigilance, fatigue, déshydratation, vertiges…), des consignes de sécurité et des gestes de premiers secours. En cas de canicule, il convient également de suivre les recommandations du ministère du Travail.

L’évolution du travail et du cadre légal

Dans les prochaines années, les écarts de température devraient malheureusement s’accentuer, les épisodes de canicule et d’intempéries se multiplier… Au sein des entreprises, une organisation plus souple du travail devra se généraliser (aménagement des horaires, allongement des temps de pause, recours au télétravail, etc.). Face à l’apparition de nouveaux risques professionnels, le cadre légal pourrait lui aussi être amené à évoluer.

L’ANSES a été consultée dans le cadre du Plan national d’adaptation au changement climatique, lancé en 2018 par le gouvernement. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail estime que le changement climatique affecte d’ores et déjà tous les risques professionnels (à l’exception des risques liés au bruit et aux rayonnements artificiels). Elle préconise de mobiliser les acteurs du travail et de les sensibiliser aux effets du changement climatique sur la santé des salariés, par le biais, principalement, de l’information et de la formation.


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