18 avril 2025

Guerre commerciale : cibler les droits de douane, une riposte idoine

Dans le sillage de la hausse générale des droits de douane imposée par les Etats-Unis, la France et l’Union européenne doivent décider d’une riposte commerciale adéquate

Reçue ce 18 avril à Bercy aux côtés des autres organisations syndicales, la CFTC devrait évoquer ces enjeux avec le ministre de l’économie, Éric Lombard. Notre organisation se positionne contre une hausse générale des tarifs douaniers sur les produits américains, qui pourrait mener à une escalade protectionniste défavorable aux Européens. Elle milite en revanche pour la mise en œuvre de droits de douanes ciblés, afin de favoriser le développement et la relocalisation de certaines activités stratégiques, comme l’industrie pharmaceutique ou celle de la défense.

Après avoir initialement taxé les exportations européennes a 20%, Donald Trump a finalement annoncé ce 9 avril suspendre pendant 90 jours ce taux, revenu à 10% pour presque tous les produits. Cette trêve de trois mois doit notamment permettre de voir aboutir de nouvelles négociations commerciales, entre l’Europe et les Etats Unis. Parallèlement, la France et l’UE doivent déterminer quelles sont les solutions adaptées, en vue de réagir à ce durcissement de la politique commerciale américaine. Le risque d’une guerre commerciale à moyen terme est, en effet, loin d’être écarté : certains produits (acier, aluminium, industrie automobile) ne sont d’ailleurs pas concernés par cette pause commerciale. Reçue ce vendredi au ministère de l’économie aux côtés des autres organisations syndicales, la CFTC défendra la mise en œuvre d’une réponse graduée et ciblée, qui lui semble la plus à même de préserver les intérêts de l’économie française et européenne.

Un protectionnisme à risque pour l’économie américaine

A ce titre, commençons par rappeler quelques données essentielles : la France devrait être moins touchée que ses voisins européens par une hausse des tarifs douaniers, notamment si l’on compare avec l’Allemagne ou l’Italie. Les exportations hexagonales vers les Etats Unis représentent, à titre d’exemple, environ 1,6 % du PIB, contre près de 4 % du PIB allemand. L’Hexagone exporte pour l’essentiel vers les USA des produits manufacturés à haute valeur ajoutée (aéronautique, pharmaceutique…) et des vins et spiritueux. Pour la filière viticole, l’impact est très prononcé, avec 4 milliards d’euros d’exportations vers les Etats Unis. Ceci étant dit, cette hausse élevée des droits de douane américains pourrait être surtout contreproductive pour les Etats Unis, en menant le pays à une récession et en accélérant l’inflation. Ces droits de douane pourraient donc être, dans la durée, difficilement supportables pour l’économie américaine.

Cibler les droits de douane, plutôt que les généraliser

Contre-attaquer en imposant des droits de douane génériques et non ciblés aux exportations étasuniennes pourrait, cependant, se révéler contre-productif pour l’Union européenne : cette riposte douanière, si elle était mal calibrée, pourrait en effet conduire à une nouvelle surenchère américaine, qui aggraverait la situation pour les Européens comme pour les Américains. Parce que nos économies sont plus que jamais interdépendantes, cette escalade aveugle d’augmentation de droits de douane des deux cotés de l’Atlantique finira par ramener l’inflation en Europe comme en France à des niveaux auxquels nos concitoyens ne sauront pas faire face. C’est pourquoi la CFTC considère que la réponse de l’UE devrait être graduée et proportionnée. Elle pourrait ainsi cibler des secteurs stratégiques, où les Etats Unis ont un excédent commercial vis-à-vis de l’UE.

Pour ce faire, l’UE dispose d’instruments de réponse, qui vont au-delà des simples droits de douane (par exemple, en restreignant ou en contrôlant davantage l’accès aux marchés publics européens). A ce titre, rappelons que l’UE reste la deuxième puissance économique mondiale à égalité avec la Chine (son PIB est d’environ 18 000 milliards d’euros en 2024), sa puissance démographique étant par ailleurs importante (449 millions d’habitants, contre 335 millions pour les Etats Unis). L’accès au marché européen est donc particulièrement critique pour les entreprises américaines, notamment en matière de services. Parallèlement, l’UE peut toujours mener des négociations commerciales avec les Etats-Unis, afin de négocier pas à pas un nouveau partenariat commercial, susceptible de satisfaire les deux partis. Les entreprises européennes (notamment celles de l’industrie du luxe) pourraient être en mesure de supporter une légère surtaxe des droits de douane, si celle-ci était réduite au fil des pourparlers (la clientèle de l’industrie du luxe étant, en moyenne, moins sensible à une légère augmentation des prix).

Vers un rééquilibrage de la mondialisation

Si les Etats Unis choisissaient quoi qu’il arrive de maintenir une stratégique protectionniste très forte, l’UE peut aussi chercher à renforcer ses partenariats commerciaux (Japon, Inde, Amérique du Sud), afin de trouver de nouveaux débouchés. De ce point de vue, la possibilité de conclure un accord commercial avec le Mercosur, au terme d’une renégociation préservant davantage notre filière agricole, ne doit pas être écartée d’emblée.

L’époque de la mondialisation heureuse et naïve est révolue. La CFTC estime donc que des droits de douane ciblés sur certains secteurs (notamment en matière d’industrie) peuvent être pertinents. Notamment afin de favoriser une stratégie de réindustrialisation et de relocalisation de certaines activités, qui sont stratégiques pour assurer notre indépendance (santé, défense, etc…) A ce titre, cette crise commerciale constitue certes un risque pour l’économie européenne, mais aussi une potentielle source d’opportunités. Plutôt que la globalisation d’un protectionnisme aveugle, la CFTC croit davantage à l’émergence d’une mondialisation rééquilibrée, qui doit permettre à la France de retrouver davantage d’autonomie, dans certains secteurs et activités clés.


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