Faut-il supprimer les Zones à Faible Emission (ZFE) ?

Les détracteurs de ce dispositif lui reprochent notamment d’exclure les automobilistes les plus modestes des grandes villes. Si le déploiement des ZFE répond à des enjeux majeurs de santé publique, la CFTC considère qu’il doit impérativement s’accompagner de mesures sociales ambitieuses, pour que leur mise en œuvre ne pénalise pas les plus précaires.
Ce 8 avril, l’assemblée nationale examine un texte visant à la suppression des Zone à faibles émissions mobilité (plus communément appelées ZFE-m). Initiées en 2019 et étendues en 2021, les ZFE visent à réduire la pollution de l’air, qui serait responsable de nombreuses maladies chroniques et d’au moins 40 000 décès par an, selon Santé Publique France (pour un coût non négligeable pour le système de santé, estimé à 17 milliards annuels). Pour ce faire, elles excluent de périmètres urbains certains véhicules, en fonction des vignettes Crit’Air qui leur sont attribués. Pour rappel, la vignette Crit’Air est un certificat de qualité de l’air qui permet de classifier les véhicules (de 0 à 5) : plus le numéro de la vignette est élevé, plus le véhicule pollue.
Les ZFE sont-elles inégalitaires?
Si la plus-value sanitaire et environnementale des ZFE fait globalement consensus, ce dispositif est parallèlement décrié pour exclure certains automobilistes des centres-villes. Tout particulièrement les plus précaires, qui n’ont pas les moyens d’acquérir de véhicule moins polluant. A ce titre, de nombreux détracteurs des ZFE demandent leur suppression. Pour la CFTC, abandonner purement et simplement les ZFE ne peut pourtant pas constituer une solution satisfaisante, alors que l’amélioration de la qualité de l’air constitue un enjeu de santé publique majeur. Pour favoriser le déploiement des ZFE et assurer qu’elles ne pénalisent pas les plus précaires, notre organisation considère que le dispositif doit impérativement s’accompagner d’aides à la mobilité ambitieuses et d’un financement solide de la transition écologique.
Un enjeu majeur de santé publique
A cet égard, commençons par rappeler quelques données de santé essentielles : en Allemagne, où des ZFE ont été progressivement mises en place depuis 2008 dans plus de 50 métropoles, plusieurs études indiquent que le nombre de patients atteints de maladies cardiovasculaire a diminué de 2 à 3%. En 2020, une étude d’AOK – le plus grand assureur public allemand – avait aussi estimé à 15,8 millions d’euros par an et par ville la réduction en dépenses pharmaceutiques pour les maladies cardiaques et respiratoires, après le déploiement d’une ZFE.
Par ailleurs, l’implémentation des ZFE a pu parfois être décrite comme trop soudaine, radicale et inadaptée aux besoins des automobilistes. Très médiatisées, les ZFE de Paris et Lyon ont tout particulièrement concentré le feu des critiques, alors même qu’elles ne sont pas représentatives de la souplesse offerte par ce dispositif. Ces 2 métropoles sont en effet soumises à des obligations renforcées, du fait de leur plus haut niveau de pollution. Exceptions faites de Paris et Lyon, le déploiement des ZFE est, en réalité, très largement modulable. Délimité par arrêté municipal, il permet aux collectivités de définir les mesures de restriction de circulation applicables, de choisir quelles sont les catégories Crit’Air de véhicules concernés ou encore quel public ou usager peut bénéficier de dérogations (petit rouleur, travailleur en situation de handicap etc.…).
Construire une transition écologique socialement juste
Si la modularité des ZFE permet une mise en œuvre ciblée, graduelle et adaptée des régulations de circulation, elle ne peut cependant pas, à elle seule, assurer des solutions de mobilité écologiques suffisantes et accessibles à tous. A ce titre, rappelons qu’en 2023, 38% des ménages les plus pauvres étaient détenteurs d’un véhicule classé Crit’Air 4 ou 5 (soit les modèles les plus polluants), contre 10% des ménages les plus riches.
Or, les politiques d’accompagnement des automobilistes vers une mobilité plus écologique n’ont cessé de reculer ces derniers mois : en décembre 2024, le gouvernement avait par exemple mis fin à la prime à la conversion pour les particuliers, qui offrait jusqu’à 5 000 € aux automobilistes remplaçant leur véhicule polluant par un véhicule moins polluant neuf ou d’occasion. Dans un registre similaire, le bonus écologique pour les voitures- une aide financière visant à l’acquisition d’une voiture particulière peu polluante -avait lui aussi été revu à la baisse, en passant de 4000 euros à 2000 euros pour tout le monde et de 7000 à 4000 euros pour les plus faibles revenus.
Davantage adapter les ZFE aux besoins locaux
Pour la CFTC, rogner ou supprimer ces dispositifs va, de facto, à l’encontre du financement d’une transition écologique socialement juste. Il faudrait, à contrario, augmenter et sanctuariser ces aides à la mobilité verte, tout en les couplant à d’autres mesures complémentaires (par exemple, une hausse des investissements dans les services de transport en commun).
L’adaptabilité des ZFE aux besoins locaux peut par ailleurs encore être améliorée : les syndicats de salariés ont par exemple été insuffisamment mobilisés par l’Etat en région, pour porter la voix des travailleurs, avant l’implantation des Zones à faibles émission. Impliquer davantage les syndicats dans ce dialogue territorial permettrait, à coup sûr, une meilleure prise en compte du temps social nécessaire à l’acceptabilité des solutions déployées. Des solutions qui cesseront d’être vécues comme « punitives » quand les mécanismes d’accompagnement et autres alternatives à la voiture seront effectifs. Il faut que les travailleurs – et les commerces qui les emploient- ne subissent plus un calendrier accéléré, pensé sans eux ! En somme, plutôt qu’une suppression des ZFE, notre organisation recommande de laisser la main aux territoires et de les soutenir par la mise en place des mesures sociales nécessaires à ce que les ZFE soit acceptées et adaptées aux besoins des populations concernées.
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