Comment agir face à la multiplication des plans sociaux ?

Déjà en forte hausse en 2024, les plans sociaux continuent de se multiplier depuis ce début d’année 2025. S’ils s’expliquent en partie par le durcissement du contexte géopolitique international, ils sont aussi facilités par la flexibilisation notable du marché du travail, mise en œuvre depuis 2017.
De Gifi à Michelin en passant par Auchan, les suppressions d’emplois se multiplient en France. Des difficultés qui ne datent pas de l’année 2025 : l’année dernière, le nombre de PSE validés ou homologués était déjà en hausse de +27% par rapport à 2023, les effectifs concernés par ces licenciements ayant même augmenté de 131%. Pour mieux appréhender le phénomène et y suggérer des solutions, l’assemblée nationale a mis sur pied une commission d’enquête visant à déterminer les éventuelles défaillances des pouvoirs publics, face à la multiplication des licenciements. Les partenaires sociaux, dont la CFTC, y était conviés début avril, pour partager leur analyse sur le sujet ainsi que leurs recommandations, en vue de mieux protéger les salariés face à la dégradation du contexte économique.
Mieux cadrer et délimiter les licenciements collectifs
A cet égard, la CFTC est d’abord revenue sur les effets qu’ont eu les ordonnances travail de 2017 : celles-ci ont assoupli les procédures de licenciement collectives, en vue de flexibiliser le marché du travail et, in extenso, inciter les entreprises à embaucher. Elles avaient notamment introduit un nouveau dispositif, les ruptures conventionnelles collectives (RCC). La RCC permet à une entreprise – suite à un accord collectif avec les syndicats – de supprimer des postes, sans que cela ne soit motivé par des raisons économiques. Les ruptures des contrats de travail des salariés concernés reposent obligatoirement sur le volontariat. Les salariés partants bénéficient par ailleurs d’une indemnité de rupture du contrat de travail, fixée par l’accord collectif. Pour les entreprises, la RCC a l’avantage de ne pas avoir la même conséquence médiatique qu’un PSE. Pour les représentants du personnel, cette procédure est souvent perçue comme plus rassurante qu’un PSE brutal.
Pour la CFTC, l’utilisation de la RCC, très en vogue dans les grands groupes, peut cependant interroger. Plutôt que de permettre d’éviter un futur plan social, la RCC peut en effet bien souvent faire figure de première lame, d’étape intermédiaire, avant un PSE plus ambitieux. Il ne faut notamment pas que ce dispositif soit trop aisément mobilisé par les entreprises pour diriger vers la sortie les salariés séniors et ceux à faible niveau de qualification. Ce public, qui risque de rencontrer de plus grandes difficultés à retrouver un emploi, doit pouvoir bénéficier de mesures d’accompagnement renforcées que ne garantit pas la RCC, dans sa forme actuelle. A cet effet, la CFTC propose que les employeurs qui ont recours à une RCC soient tenus de proposer et de financer aux salariés sur le départ des formations adaptées, en vue de leur assurer un retour à l’emploi équivalent ou une reconversion professionnelle.
Les accords de performance collective, un dispositif déséquilibré
D’autres mécanismes introduits par les ordonnances Travail de 2017 ont par ailleurs pu se révéler inéquitables et insuffisamment protecteurs des intérêts des salariés. C’est notamment le cas des accords de performance collective (APC). L’APC se distingue significativement des autres accords collectifs, de par son impact sur le contrat de travail des salariés. En substance, les mesures prévues par l’APC se substituent aux clauses qui leur correspondent, dans le contrat de travail des salariés. S’ils sont limités à certains domaines, les APC permettent tout de même de négocier un aménagement de la durée et de l’organisation du travail des salariés, ou encore une modulation de leur rémunération. Pour la CFTC, l’APC est clairement un dispositif déséquilibré, car il modifie des éléments essentiels du contrat de travail. Si le salarié refuse les conditions d’un APC, il peut en outre être licencié sans motif. Notre organisation considère donc que ce mécanisme devrait être abrogé ou, à minima, beaucoup plus encadré (par exemple, via un retour aux clauses initialement prévues par le contrat de travail des salariés, une fois que l’entreprise a retrouvé une situation financière stable).
Qui dit plus de liberté dit aussi plus de responsabilités pour les employeurs
Plus globalement, la CFTC considère que deux des motifs qui permettent de justifier un licenciement économique nécessitent un cadrage légal plus restrictif : le motif de sauvegarde de la compétitivité peut notamment être utilisé pour des risques peu ou pas assez vérifiés. Idem pour celui qui se justifie par des mutations technologiques : il ne faudrait pas que le réchauffement climatique ou l’intelligence artificielle deviennent des motivations génériques pour licencier, sans que l’impact réel sur l’entreprise ne soit avéré. Par ailleurs, la CFTC milite pour lutter plus frontalement contre les licenciements boursiers, qui ne sont (dans l’immédiat) pas motivés par des impératifs économiques. Ces derniers peuvent traduire une volonté de restructuration massive de l’entreprise qui s’impose brutalement aux salariés, alors même que l’employeur réalise des profits. Si une entreprise a versé de dividendes conséquents à ses actionnaires et envisage d’opérer un PSE, la CFTC propose ainsi qu’elle soit dans l’obligation de provisionner un montant équivalent, en vue d’étoffer ce PSE en termes de moyens.
La flexibilisation croissante du marché du travail – notamment du fait des ordonnances Macron de 2017 – a, en somme, offert beaucoup de souplesse et de liberté aux entreprises. Jamais dogmatique, la CFTC n’est pas nécessairement opposée à la mise en œuvre d’une politique pro business. Il faut, cependant, que les souplesses offertes aux employeurs soient impérativement avant tout au service de l’emploi, et pas des profits. Qui dit plus de liberté, dit aussi plus de responsabilités pour les employeurs. A cet égard, un cadrage plus rigoureux – par la loi et le dialogue social – des outils à disposition des employeurs quand des licenciements sont mis en œuvre nous semble nécessaire.
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